Les sapeurs-pompiers dans le sang

70 000 interventions – et cela à côté de leur métier « normal ». En effet, sur les 1244 organisations de pompiers, seules 16 sont composées de professionnels. La grande majorité des sapeurs-pompiers, femmes et hommes, quittent leur travail ou interrompent leur repas de midi pour se rendre en intervention, et s’entraînent le soir, pendant leur temps libre. Marco Moser est l’un de ces sapeurs-pompiers actifs.

Il est tard le soir. Je suis dans une boîte de nuit et danse pour oublier ma semaine de travail. Une fille attire mon attention. La soirée se poursuit, et je finis par obtenir son numéro.   Le reste de l’histoire en bref : nous commençons à sortir ensemble, elle devient ma première copine et je finis par rencontrer sa famille. Dans le cagibi, son père entrepose son équipement de sapeur-pompier, toujours prêt en cas d’urgence. Il est sous-officier dans le corps local ; elle fait aussi partie des sapeurs-pompiers. Jusqu’à ce jour-là, je n’avais aucun lien avec les pompiers : c’était il y a 20 ans.

Je me renseigne sur les pompiers de ma ville et apprends qu’en s’engageant, il est non seulement possible d’économiser des impôts, mais que la solde est également, pour un étudiant comme moi, plutôt attrayant. Pourtant, l’aspect financier est vite relégué au second plan par tous les autres avantages : le travail pratique et manuel m’offre un équilibre bienvenu par rapport à mes études, j’apprends de nouvelles choses, je peux participer à différents cours, j’apprécie l’esprit de camaraderie et je grandis sur le plan personnel.

PORTER SECOURS ET ÉTEINDRE LE FEU

À l’époque, en tant que membre d’un corps de sapeurs-pompiers volontaires d’une ville suisse, notre tâche principale était d’aider les sapeurs-pompiers professionnels dans le cadre de leurs grosses interventions, ce qui était rarement nécessaire. Un soir, alors que nous étions à une soirée de cadres, l’installation de détection d’incendie de la cathédrale s’est déclenchée : automatiquement, tous les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires de la ville avaient été appelés. Mais il s’agissait d’une fausse alarme, et nous avons pu retourner à nos festivités. Dans le cas d’autres alarmes, nous avons souvent largement soutenu, voire parfois relayé les pompiers professionnels. J’ai beaucoup profité des interventions et des exercices communs, ainsi que de la camaraderie au sein de l’équipe.

Puis le temps a passé : avec ma copine, nous nous sommes séparés – mais les pompiers sont restés. Pendant mes études, j’ai brièvement réduit mon engagement. Puis tout à coup, je me suis retrouvé engagé dans la formation de sous-officier : apparemment, mes difficultés manuelles pour gérer la motopompe n’ont pas été des raisons suffisantes pour me faire échouer.

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LUTTER CONTRE LE FEU ET L’EAU

Depuis, je suis devenu instructeur au niveau cantonal et au niveau suisse, et suis vice-commandant d’un corps de sapeurs-pompiers de taille moyenne en Suisse orientale. Nous intervenons dans toutes sortes de situations : nous gérons les fausses alarmes des installations de détection d'incendie, dégageons des cours d’eau bouchés ou enneigés, nous luttons contre de petits incendies domestiques, éteignons des maisons en flammes, sortons des vaches tombées dans la fosse à fumier, nettoyons des traces d’huile, soutenons les sapeurs-pompiers voisins dans le cadre du transport d’eau et pompons l’eau de caves inondées.

Les sapeurs-pompiers sont organisés de manière très hiérarchique, ce qui était plutôt inhabituel pour moi au début. Cette organisation a toutefois du sens, car un processus démocratique dans le feu de l’action ne marche pas ; des ordres très clairs sont nécessaires. Chacun reçoit des instructions précises et les effectue avec l’aide de son équipe. Car un homme seul n’est pas un homme (la même chose vaut pour les femmes). Personne n’est seul.

La sécurité individuelle est la règle d’or lors d’une intervention des sapeurs-pompiers. Dans un premier temps, nous sécurisons les lieux, car le danger est toujours présent. Nous entrons là où les autres sortent. Une bonne formation est donc absolument essentielle. Heureusement, la Suisse dispose de standards élevés qui incluent une formation de base solide, des exercices réguliers dans sa propre unité ainsi que des formations continues sur différents thèmes.

Dans notre région, un corps de jeunes sapeurs-pompiers nous aide à trouver de la relève, qui intègre à 18 ans l’unité régulière. Et je remarque que de plus en plus que de personnes d’âge moyen rejoignent notre unité : celles qui ont déjà leurs années d’apprentissage et de voyage derrière elles, entament des projets familiaux et s’installent dans notre commune suite à l’achat ou la construction d’une maison. De la même manière qu’une association, les sapeurs-pompiers (surtout les associations de sapeurs-pompiers et les corps de sauvetage) facilitent l’intégration dans un nouvel environnement.

Rejoindre les sapeurs-pompiers garantit à tout membre la sécurité de sa famille et de ses voisins au sein de sa commune. En effet, sur les 1244 organisations de pompiers, seules 16 sont composées de professionnels. Qui répondrait donc aux alarmes si les volontaires n’étaient pas là ? Les sapeurs-pompiers constituent la seule organisation communale qui puisse mobiliser en quelques minutes un nombre important d’hommes et de femmes. Aucune autre organisation n’y parvient : ni la police, ni les premiers secours, ni la protection civile, ni l’administration communale.

CODE D’HONNEUR DE SAINT FLORIAN, PATRON DES POMPIERS

JEUNES ET VIEUX, MINCES ET GROS

À la base du service des sapeurs-pompiers se trouve une formation de base solide. Celle-ci varie d’un canton et d’une unité à l’autre, aussi bien en termes de durée que de lieu de formation. Mais les contenus sont similaires : lutte contre le feu, sauvetage, motopompe et certaines connaissances au sujet de la protection respiratoire.

Puis suivent les exercices, le soir, au sein de sa propre unité. Plutôt que de s’entraîner dans le club d’unihockey local ou de jouer dans une fanfare, nous nous entraînons au métier de sapeurs-pompiers. Certes, depuis l’arrivée du coronavirus, certains de nos automatismes bien ancrés ont dû changer, mais le niveau de formation reste toutefois heureusement élevé, comme nous l’avons démontré dans le cadre des premiers exercices d’intervention. Afin de pouvoir approcher le plus possible du feu pour le combattre en plein cœur, certains membres des sapeurs-pompiers interviennent avec un appareil respiratoire. Dernièrement, nous avons tous prouvé que nous étions en forme. Certains corps de pompiers ne jurent que par des courses de 12 min, d’autres utilisent d’autres sortes tests : nous avons effectué une marche de 3,5 km avec notre équipement complet, appareil respiratoire sur le dos. À intervalles réguliers, un médecin contrôle nos aptitudes physiques.

D’autres camarades apportent également leur contribution à la communauté en tant que samaritains, dans les services de transport ou au sein de la centrale d’intervention. Comme pour une montre suisse, différents rouages doivent s’emboîter correctement pour que l’ensemble fonctionne : petits et grands, jeunes et vieux, minces et gros, rapides ou lents, au cœur de l’action ou agissant en marge, tout le monde est nécessaire. De cette façon, chacun est à même d’effectuer ses tâches. Les exigences exactes varient d’un canton et d’une unité à l’autre.

Les commandants des unités locales sont les mieux à même de vous renseigner au sujet de leur organisation. Vous trouverez l'aperçu des corps de sapeurs-pompiers

LES SAPEURS-POMPIERS DE MILICE

La relève est essentielle afin qu’une équipe puisse intervenir pour chaque alarme. Les corps de sapeurs-pompiers sont à 99 % bénévoles : ce sont des gens ordinaires qui se cachent derrière ces uniformes. Nous intervenons à tout moment : nous quittons nos familles, sautons en plein milieu de la nuit hors de notre lit ou venons directement depuis notre lieu de travail.

LES SAPEURS-POMPIERS VOUS INTÉRESSENT ?

Si les sapeurs-pompiers vous intéressent, ces deux pages vous fourniront toutes les informations nécessaires :

LES SAPEURS-POMPIERS DE MILICE

DONNE UN SENS À TON AVENIR

PRÊT À INTERVENIR À TOUT MOMENT – AUSSI DEPUIS LE TRAVAIL

En principe, un employeur a l’obligation de « verser le salaire pour un temps limité » à son employé s’il intervient avec les sapeurs-pompiers. Cette règle s’applique tout du moins dans les cantons où les sapeurs-pompiers représentent une obligation légale. L’art. 324a, al. 1 du code des obligations suisse formule les mesures suivantes :
« Si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, telles que maladie, accident, accomplissement d’une obligation légale ou d’une fonction publique, l’employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois. »

Avoir connaissance de cette obligation de décharge requiert donc d’autant plus de la part d’un membre des sapeurs-pompiers une bonne appréciation de la situation afin de déterminer quand il est effectivement nécessaire qu’il quitte son travail et se rende en intervention. Je travaille partiellement hors de la commune. Lorsque des traces d’huile sont repérées dans la commune, mes camarades doivent alors se charger seuls du nettoyage. Ils sont en revanche contents, lorsqu’un incendie se déclare dans une maison, que j’arrive trois heures après l’alarme : je suis reposé pour la prochaine intervention avec appareil respiratoire, aide à ranger ou me charge de surveiller l’incendie pendant la nuit. Les agriculteurs qui font partie des sapeurs-pompiers sont quant à eux contents de pouvoir, à 5 h du matin, rapidement aller traire leurs vaches à l’étable – et tous les autres sont contents s’ils ne doivent participer qu’à la première partie de l’intervention.

Informations pour les employeurs concernant les avantages d’engager un membre des sapeurs-pompiers volontaires :

RECRUTER UN-E SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE

Un jour, l’ascenseur de notre bureau est resté bloqué ; une personne à l’intérieur appelait à l’aide. Grâce aux connaissances acquises avec les sapeurs-pompiers, j’ai pu, avec l’aide de quelqu’un d’autre, calmer la personne coincée, débrancher l’ascenseur, positionner manuellement la cabine à l’étage suivant, la sécuriser, ouvrir les portes et ainsi libérer la personne.

AVEC DU CŒUR ET BEAUCOUP DE RAISON

Tous les membres d’un corps de sapeurs-pompiers sont connectés à un système d’alarme. Selon le niveau d’alarme et l’ampleur de l’événement, la disponibilité, la proximité de la caserne, le grade et d’autres critères, plus ou moins de membres sont mobilisés.

En tant que cadre, j’effectue quatre week-ends de garde par année ; ces jours-là, je dois pouvoir me rendre à la caserne en moins de 5 minutes. Je dois donc m’organiser à l’avance, car ma femme travaille à temps partiel à l’hôpital. En dehors de mes gardes, je m’occupe en partie le soir, la nuit et le week-end de nos enfants. Mais quand mon bipeur sonne, je dois d’abord évaluer si je peux participer à l’intervention et, si oui, comment m’organiser. Parfois, je ne peux tout simplement pas répondre présent. Mes beaux-parents s’occupent parfois de nos enfants – ma belle-mère a elle-même fait partie des sapeurs-pompiers. Nos enfants grandissent avec l’idée du service à la communauté.

Ma femme est samaritaine et fait partie des premiers secours dans notre unité. Parfois, elle doit soudainement quitter la table du repas pour aller intervenir, par exemple pour intuber une personne inconsciente. Les membres des premiers secours apprennent à utiliser cette technique de protection des voies respiratoires afin que les personnes inconscientes soient mieux à même de respirer.

Lorsque cela arrive, nos enfants disent : « Maman devait aller aider quelqu’un. » Et lorsque l’intervention dure plus longtemps parce qu’il faut débriefer après l’intervention, je passe l’après-midi avec nos enfants, jusqu’à ce que leur maman revienne. Au fait : j’ai rencontré ma femme sur un marché de Noël.

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